Pathologie, médicament, grossesse, pilule… Tous peuvent impacter le cycle menstruel et provoquer l’absence de règles et d’ovulation. Mais en cas de pratique sportive importante, de stress intense ou de troubles alimentaires, le cerveau peut être à l’origine de ce dysfonctionnement.
Quand l’hypothalamus perturbe le cycle menstruel
L’aménorrhée désigne l’arrêt des règles chez une personne en âge d’être menstruée, alors qu’aucune grossesse n’est en cours. On distingue ainsi l’aménorrhée primaire, qui caractérise l’absence des premières règles passé l’âge de 15 ans, de l’aménorrhée secondaire, définie par l’arrêt des règles sur une période de plus de trois mois chez une personne ayant déjà eu ses règles.
Cette absence de menstruations peut s’expliquer par différentes raisons : une pathologie, une grossesse, la ménopause, la pilule contraceptive, les effets secondaires de certains médicaments… Mais si aucun élément organique ou anatomique n’explique l’aménorrhée, reste une possibilité : l’hypothalamus, une zone du cerveau impliquée dans la régulation des fonctions vitales, telles que la faim, la soif et le sommeil.
Dans ce cas, on parle d’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle. Il s’agit de l’une des causes les plus fréquentes d’aménorrhée secondaire, qui touche elle-même entre 2 à 5 % des personnes réglées.
Le rôle de l’hypothalamus dans le cycle menstruel
Le cycle menstruel est directement lié au système endocrinien, qui commande la libération des hormones dans le sang, et dont l’hypothalamus fait partie. L’hypothalamus comprend à sa base une glande appelée hypophyse, responsable de la production de nombreuses hormones, dont la FSH – ou hormone folliculostimulante – et la LH – hormone lutéinisante –, des hormones dites gonadotropes qui sont à l’origine de la sécrétion des oestrogènes et de la progestérone.
Ainsi, les hormones produites par le cerveau et par les ovaires communiquent entre elles pour réguler leur sécrétion. Mais en cas d’aménorrhée hypothalamique, l’hypothalamus n’envoie aucun message chimique aux glandes censées produire la FSH et LH, ce qui perturbe le cycle menstruel et provoque l’arrêt de l’ovulation et des menstruations.
D’où vient l’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer l’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle, qui découle d’un déséquilibre énergétique. Parmi eux, un exercice physique important (cette forme d’absence d’ovulation est beaucoup plus courante chez les sportives de haut niveau), des troubles alimentaires restrictifs, un stress intense, une perte de poids importante et rapide, la consommation de drogues…
Face à ce déséquilibre entre l’énergie absorbée et l’énergie dépensée, le corps se préserve d’une éventuelle grossesse en court-circuitant le cycle menstruel, par le biais de l’hypothalamus.
quelles conséquences ?
En dehors de l’absence de règles, l’aménorrhée hypothalamique rend impossible une grossesse dans l’immédiat, puisqu’il n’y a pas d’ovulation. À plus long terme, cette anovulation peut également avoir des conséquences sur la fertilité, la densité osseuse, ou le déroulement d’une grossesse. Les risques de fausse couche, d’accouchement prématuré ou de retard de croissance intra-utérin sont ainsi accrus.
Le diagnostic
Généralement, l’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle est envisagée une fois les causes organiques et anatomiques écartées.
“J’ai arrêté la pilule en 2019 pour un projet bébé mais un an après, mes règles n’étaient toujours pas revenues. J’ai fait tous les examens classiques jusqu’à ce que, par élimination, on me diagnostique une aménorrhée hypothalamique. Mais le diagnostic n’a pas été posé tout de suite, mon gynécologue a d’abord pensé qu’il s’agissait du syndrome des ovaires polykystiques. C’est finalement l’une de ses consoeurs qui m’a parlé d’aménorrhée hypothalamique” rapporte Claire, la diététicienne qui se cache derrière le compte Instagram @healthfit_challenge.
Dans ce cas, le médecin questionnera le·la patient·e sur sa pratique sportive, ses habitudes alimentaires et les potentiels changements récents, ainsi que sur ses attitudes psychologiques. Ces données serviront à calculer sa disponibilité énergétique, soit l’apport énergétique assimilé duquel est soustrait la dépense énergétique. En dessous d’un certain seuil de disponibilité, le cycle menstruel ne peut plus fonctionner correctement.
“J’étais sportive et je faisais attention à ce que je mangeais mais j’avais une alimentation et un poids normaux, ce qui explique que l’on n’ait pas pensé à l’aménorrhée hypothalamique tout de suite, rapporte Claire. Mais mon alimentation était insuffisante par rapport à mon activité sportive : je pratiquais le crossfit, qui est un sport assez intense, à hauteur de cinq fois par semaine environ… Il n’y a besoin ni d’être maigre ni d’être une athlète pour souffrir d’aménorrhée hypothalamique.”
Le médecin peut également prescrire un bilan hormonal afin de mieux appréhender la sécrétion des différentes hormones par la patiente.
Quel traitement ?
Une fois les causes de l’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle mises en évidence, le traitement consiste à corriger les déséquilibres énergétiques.
Cela peut donc passer par un apport nutritionnel plus important conçu selon les habitudes alimentaires du ou de la patient·e, une baisse de l’activité sportive et/ou un soutien psychologique. Si l’aménorrhée hypothalamique est liée au stress, l’accent sera mis sur l’apprentissage de techniques de détente de lâcher-prise.
Un traitement par pompe à GnRH peut être prescrit afin d’induire l’ovulation. Installé en intraveineuse ou sous la peau, ce dispositif permet de délivrer la GnRH que l’hypothalamus ne commande plus, afin de restaurer le cycle menstruel de manière artificielle.
“Je suis tombée enceinte deux mois après que l’on m’ait posé la pompe à GnRH. Aujourd’hui encore, je ne sais toujours pas si je suis “guérie” de l’aménorrhée hypothalamique. J’aurai la réponse lorsque je serai en post-partum, selon le retour de couches”, conclut Claire.
Une fois la balance énergétique rééquilibrée, l’anovulation peut disparaître dans les mois qui suivent. Toutefois, il est possible que les ovaires libèrent à nouveau des ovules avant le retour des règles : absence de règles ne rime pas automatiquement avec absence d’ovulation !