En France, selon l’Insee, le déni de grossesse représente jusqu’à trois naissances sur 1000 chaque année. Mais comment le cerveau peut-il dissimuler une grossesse à une femme ? Explications.
Déni de grossesse : définition
Le déni de grossesse est un trouble psychique de la grossesse : par la force de sa psyché, qui n’envisage nullement cette possibilité, la femme ne sait pas qu’elle est enceinte.
Ce mécanisme inconscient, encore mal expliqué, agit sur les signes psychiques et physiologiques de la grossesse, qui ne sont pas visibles ou mal interprétés. Les règles sont toujours présentes, le ventre ne grossit pas et il n’y a pas ou peu de prise de poids. Jusqu’à un certain moment (et plus rarement, jusqu’au terme de la grossesse), les symptômes caractéristiques de la grossesse – nausées, fatigue, mal de dos – sont absents.
On distingue le déni de grossesse partiel, lorsque la grossesse est découverte entre le premier trimestre et le terme de la grossesse, du déni de grossesse total. Dans ce cas, la grossesse n’est révélée qu’au moment de l’accouchement.
Quels symptômes ?
Par définition le déni de grossesse est difficilement détectable, mais il peut être plus ou moins fort. Les symptômes sont souvent minimisés par la psyché et confondus avec des troubles digestifs, du stress ou d’autres maux ou pathologies.
Les règles ne constituent pas un indicateur fiable, puisque pour de nombreuses femmes, elles sont irrégulières ou artificielles (avec la pilule). Cela permet notamment d’expliquer que les menstruations ne mettent pas sur la piste d’une grossesse.
La grossesse peut finalement être découverte à cause de maux de ventre ou de dos, par une échographie ou une prise de sang. Ce fut notamment le cas de Madison, 24 ans, qui pensait avoir une gastro avant d’apprendre qu’elle était enceinte de huit mois.
“C’était il y a deux ans, j’avais des crampes dans le ventre et j’ai été voir mon médecin. Lorsqu’il m’a auscultée et a appuyé sur mon ventre, j’ai eu très mal. Il est parti chercher un instrument permettant d’écouter le cœur des bébés. Il a d’abord écouté avec ses écouteurs, puis les a enlevés et m’a laissé écouter. J’entendais un petit battement que je pensais être le mien, mais il m’a expliqué que l’instrument ne détectait que les cœurs de bébés… J’ai buggé, j’étais totalement perdue, je n’y croyais pas”, se remémorre la jeune femme.
Après l’annonce de la grossesse
Une fois la grossesse découverte, le corps change très rapidement : le bébé se place normalement, et le ventre s’arrondit en l’espace de quelques heures ou jours.
“Mon médecin m’a directement envoyée voir ma gynécologue. Après 30 minutes de trajet, quand je suis sortie de la voiture, mon ventre ressemblait déjà à celui d’une femme enceinte de 5 mois, c’était impressionnant. Après la consultation mon ventre avait encore grossi, et trois jours plus tard, je ressemblais à une femme enceinte de huit mois”, détaille Madison.
“Mon corps a changé à peu près deux semaines après l’annonce de ma grossesse. J’avais maintenant tous les signes de grossesse, un petit ventre arrondi… C’est comme si j’avais eu un déclic”, explique pour sa part Noëlys, dont la grossesse a été découverte après trois mois et demi, alors qu’elle se rendait chez son médecin pour des maux de dos.
Aussi, si la grossesse est découverte avant la 12ème semaine, il est également possible d’interrompre la grossesse avec une IVG instrumentale.
D’où vient le déni ?
Les causes du déni de grossesse sont encore mal expliquées, mais l’on s’accorde à dire qu’il s’agit d’un mécanisme de défense inconscient pour la mère. Concrètement, le foetus se développe indépendamment du psychisme de la femme, mais les causes peuvent varier d’une femme à l’autre.
Le rapport au corps, à la sexualité, un traumatisme… Les causes du déni se trouvent souvent dans l’histoire personnelle de chaque personne, mais celui-ci ne s’explique pas forcément.
Le déni de grossesse peut toucher des femmes de tout âge, y compris celles qui sont déjà mères.
Quelles conséquences pour la mère et le bébé ?
Les bébés nés suite à un déni ne sont pas particulièrement sujets à des problèmes de développement que ce soit sur le plan physique ou physiologique. Ils présentent souvent une taille et un poids normaux à la naissance.
Les conséquences se trouvent davantage du côté de la psychologie de la femme, puisquelle celle-ci n’a pas ou peu de temps pour intégrer l’existence de cette grossesse et de ce bébé, et n’y est pas préparée.
Un suivi psychologique est important pour assimiler la nouvelle, comprendre les causes de ce déni, mais aussi pour tisser le lien mère-enfant lorsque cela est nécessaire.
“Émotionnellement je n’ai pas réussi à gérer, encore aujourd’hui c’est compliqué. Sur le coup j’étais en colère, je m’en voulais, je ne comprenais pas comment j’avais pu passer à côté de cette grossesse. Je n’ai ressenti aucun symptôme, j’ai bu de l’alcool, fumé des cigarettes… j’ai fait tout ce qu’il ne fallait pas faire pendant une grossesse et je m’en suis beaucoup voulue, confie Madison. Jusqu’au moment où Léo a été posé sur moi, je ne me sentais pas à nouveau maman, je n’y croyais pas”.
“C’était très difficile pour moi, je venais à peine d’avoir 18 ans, j’étais en école de mode, j’avais peur de la réaction de mes parents… Quand je l’ai appris, je n’ai pas osé rentrer chez moi et j’ai passé trois jours dans la famille de mon meilleur ami. Comme j’étais à trois mois et demi de grossesse, j’avais un délai supplémentaire exceptionnel de cinq jours pour avorter. Mais sur la route du CHU, j’ai finalement changé d’avis”, détaille de son côté Noëlys, aujourd’hui maman d’un garçon de 12 ans.
Comment repérer un déni de grossesse ?
La grossesse est souvent découverte par hasard, notamment lors d’une consultation médicale. Si une échographie et une prise de sang suffisent à révéler la présence du fœtus, il est toutefois inutile de tomber dans la psychose et de réaliser régulièrement ce genre d’examens. Plus simplement, en cas de doute, un test de grossesse peut aussi permettre d’en avoir le cœur net.
Être à l’écoute de son corps et des signaux qu’il envoie, comme se poser la question du déni – et donc envisager cette possibilité – constitue déjà une attitude allant à l’encontre du déni de grossesse puisque par définition, en cas de déni, une grossesse est simplement inconcevable.
FAQ – tout savoir sur le déni de grossesse
Peut-on faire un déni de grossesse en ayant ses règles ?
Il est fréquent de continuer à avoir ses règles pendant un déni de grossesse : une étude de l’AFPSSU montrait ainsi que dans dix cas de déni, six femmes avaient toujours leurs menstruations.
De façon générale, les menstruations ne sont pas un bon indicateur de grossesse. En effet, celles-ci sont souvent irrégulières ou artificielles avec la pilule, et quelque 10% des femmes enceintes continuent d’avoir des saignements au début d’une grossesse (appelées règles anniversaires ou métrorragies). L’observation des règles ne suffit donc pas à déclarer qu’une grossesse est en cours ou non.
Où se trouve le bébé lors d’un déni de grossesse ?
Lors d’un déni, le bébé se positionne autrement que dans le cas d’une grossesse classique. Il peut se placer le long de la colonne vertébrale ou en siège, sous les côtes dans l’utérus qui se développe lui-même en hauteur, et non pas vers l’avant.
Comment est le ventre lors d’un déni de grossesse ?
Comme l’utérus se positionne dans la hauteur, le ventre n’est pas proéminent et ne ressemble pas à celui d’une femme enceinte. C’est seulement une fois la grossesse découverte que le bébé se positionne normalement dans l’utérus et que le ventre commence à grossir.
Une prise de sang ou une échographie sont-elles utiles en cas de suspicion d’un déni de grossesse ?
La prise de sang et l’échographie permettent toutes deux de confirmer ou d’infirmer une grossesse. Le fœtus est visible à l’échographie, tandis que la prise de sang permet de révéler la présence des hormones caractéristiques de la grossesse.