Pourquoi parler des fausses couches est si important ?

Les fausses couches arrivent malheureusement bien plus souvent qu’on ne le pense et peuvent laisser des séquelles psychologiques insoupçonnées. Focus sur les différentes raisons d’en parler publiquement.

Il faut parler des fausses couches… parce que les chiffres ne mentent pas

Les fausses couches sont très, très communes. Si vous n’en avez jamais vécu, il est très probable qu’une personne ou un couple de votre entourage en ait connu une ou plusieurs.

On considère qu’une personne née avec un utérus sur 4 fait au moins une fausse couche dans sa vie, et on considère qu’environ 15 % des grossesses s’interrompent.

Dans la grande majorité des cas, la perte de l’embryon se passe avant la fin du premier trimestre (c’est une fausse couche dite précoce). Le plus souvent, cela est dû à une anomalie chromosomique de l’œuf.

C’est pour cette raison que la déclaration de la grossesse auprès de la sécurité sociale ne se fait pas avant trois mois. Et c’est également par peur que la grossesse ne tienne pas que l’on entend régulièrement des personnes conseiller aux futurs parents de ne pas annoncer de grossesse avant ce stade.

Les fausses couches tardives (c’est-à-dire arrivant au deuxième trimestre) arrivent mais sont beaucoup plus rares. Moins d’1% des grossesses sont concernées.

Enfin, Dr Nasrine Callet, gynécologue, partage que des fausses couches très précoces peuvent arriver sans même s’en rendre compte.

« Quand on n’a que quelques jours de retard de règles, on ne sait pas forcément qu’on est enceinte, et que donc les pertes que l’on peut avoir ne sont pas des règles mais une fausse couche spontanée.

Pour éviter les fausses joies, je pense que c’est bien d’attendre une semaine, voire dix jours de retard de règles pour faire un test… Mais je sais que ce n’est pas facile quand on est impatiente de tomber enceinte !  »

Parler des fausses couches pour savoir les reconnaître

Une fausse couche commence généralement par des pertes de sang qui peuvent durer plusieurs jours. Elles sont souvent accompagnées de crampes qui rappellent des douleurs de règles.

Pour autant, comme le rappelle Dr Callet, perdre du sang durant une grossesse ne signifie pas forcément faire une fausse couche.

« Il ne faut pas s’inquiéter, mais il faut absolument consulter afin de déterminer la cause de ce saignement. »

Dans tous les cas, si vous avez un doute, consultez un·e médecin.

Parler des fausses couches pour avoir un meilleur accompagnement médical

Certaines fausses couches se font naturellement et sans aide médicale, d’autres nécessitent un curetage.

Une fausse couche est toujours accompagnée d’un petit suivi médical. Si vous avez un·e gynécologue ou un·e sage-femme de confiance, doux·ce et empathique c’est le moment d’aller le ou la voir, afin d’éviter les mauvaises surprises comme celle qu’a vécue Mélinda :

« J’ai vu un médecin qui m’a annoncé sans aucun tact le décès de mon bébé (parce que je le percevais déjà ainsi). J’avais l’impression qu’il en avait vu tellement et que c’était tellement la routine pour lui et qu’il en avait oublié l’impact dévastateur de cette nouvelle… »

Charlène, qui vit en Eure-et-Loire, a quant à elle croisé des soignant·e·s très doux·ces et compréhensif·ve·s. Elle garde cependant en travers de la gorge sa visite chez son·sa médecin traitant·e, au tout début de sa troisième grossesse, après deux fausses couches…

« Très stressée par mes précédentes fausses couches, je suis allée voir ma médecin dans le but d’avoir un arrêt de travail, car je fais un boulot très physique. Ma tension était très élevée, mais elle l’a refusé sèchement, me disant qu’il fallait que je me détende pour que cette grossesse tienne. Une semaine après, j’ai fait une fausse couche sur mon lieu de travail.

Même si j’avais été arrêtée, cette grossesse n’aurait peut-être pas tenu, mais je ne digère pas qu’elle n’ait pas voulu entendre ma détresse suite à mes deux premières fausses couches. Je pense changer de médecin traitant. »

Et c’est justement pour éviter un stress supplémentaire que Dr Callet propose aux couples ayant connu une fausse couche de faire une première échographie plus tôt dans la grossesse qui suit.

Parler des fausses couches pour mieux appréhender leurs conséquences

Une fausse couche en début de grossesse peut être douloureuse sur le moment mais n’a pas d’incidence sur le corps ou la fertilité. Il faut simplement penser à faire une échographie ensuite pour s’assurer qu’il ne reste pas de bout de placenta ou autre, ce qui pourrait créer à terme une infection.

Mais si le physique s’en remet généralement assez rapidement, côté psychologique, c’est une autre histoire. Si certaines personnes encaissent un tel événement plutôt bien, d’autres le vivent comme un véritable traumatisme et ce, même si la grossesse ne dépassait pas quelques semaines.

Certains établissements proposent un suivi psychologique uniquement à destination du parent enceinte.

Charlène, qui témoigne plus haut, a pu profiter d’une séance gratuite. Pour elle, c’est un bon début mais ce n’est pas suffisant : son mari n’y a pas eu le droit alors qu’il a également été très touché par la fausse couche.

Il faut parler des fausses couches pour ne plus les vivre en secret

Pourquoi les fausses couches continuent à être taboues ? Difficile de trouver une véritable explication, alors voici quelques suppositions en vrac :

  • Parce qu’il est souvent conseillé par l’entourage de ne pas annoncer une grossesse avant trois mois… Du coup, quand une fausse couche arrive, ça reste aussi secret que la grossesse,
  • Parce que le sujet n’existe presque pas dans la sphère publique, et que des personnes concernées peuvent avoir l’impression d’être les seules à vivre ce drame,
  • Par peur de plomber l’ambiance, de causer de la peine, de rappeler que ce genre de drame arrive,
  • Par crainte de ne pas être compris·e dans son malheur, de recevoir des remarques déplacées,
  • Parce que certaines personnes ressentent beaucoup de culpabilité, pensent que c’est de leur faute si la grossesse n’a pas tenu.

Si l’idée n’est pas de forcer à témoigner toutes les personnes qui ont vécu une fausse couche, il est important qu’elles puissent se sentir libre de le faire si elles le souhaitent.

Il faut en parler pour savoir comment réagir quand une personne de son entourage fait une fausse couche

Encore une fois, si une femme sur quatre vit au moins une fausse couche au cours de sa vie, il est très probable que cela arrive à un·e de vos proches. Comme dans tout moment difficile, l’entourage est là pour aider à surmonter la période.

Charlène et Mélinda, qui témoignent ici, remercient toutes deux leurs proches qui ont su les écouter et les aider. En revanche, toutes deux ont des anecdotes malheureuses de mots entendus dont elles se seraient passées. Mélinda raconte :

« J’ai croisé des personnes qui n’ont pas compris ma tristesse, qui ne trouvaient pas logique que je pleure quelque chose qui n’a jamais vécu… Le sentiment de perte n’a rien à voir avec la durée de grossesse. Chercher à nier le deuil que je vis n’aide pas. »

Le conseil principal est surtout d’écouter et d’être présent·e, comme dans n’importe quel autre moment où un·e proche va mal.

Dans certains cas, il faut également faire attention en tant que proche à ne pas chercher à vampiriser la souffrance des principaux intéressé·e·s.

À ce propos, sur un forum, une femme ayant vécu une fausse couche tardive à 5 mois de grossesse explique que son entourage est tellement affecté par la triste nouvelle qu’elle finit par avoir par moment l’impression de devoir consoler certains membres de sa famille. Une autre participante lui conseille alors de prendre de la distance avec ces personnes le temps de se reconstruire, plutôt que de consoler celles et ceux qui devraient la consoler.

Il faut parler des fausses couches pour connaître les initiatives existantes à ce sujet

Si la place des fausses couches reste assez timide sur la place publique, de nombreuses initiatives sont lancées pour aider les personnes qui en vivent une.

Sur Internet, des forums et groupes Facebook existent en grand nombre à ce sujet. Si les participant·e·s apprécient pouvoir s’exprimer dans un lieu où ils·elles se savent compris·es, Charlène modère son engouement en soulignant qu’y rester trop peut générer de nouvelles angoisses à la lecture de témoignages durs.

Dans la vraie vie, il est possible de se faire suivre par un·e psychologue spécialisé·e dans le suivi du deuil périnatal.

Enfin, la reconnaissance des fausses couches passe également par le vocabulaire. Ainsi, une pétition lancée il y a plusieurs années continue à tourner pour demander l’ajout du mot « parange » au dictionnaire, afin d’avoir un mot pour désigner les parents qui ont perdu un enfant, pendant la grossesse ou plus tard.

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